Observatoire du télétravail : la synthèse de l’étude de 2023
L’Observatoire du télétravail a publié, le 6 décembre 2023, les premiers résultats de l’enquête lancée en juillet 2023 sur les conséquences du télétravail et du travail hybride.
Lors d’une conférence de presse Caroline Diard, membre du comité scientifique de l’Observatoire, Caroline Blanchot et Emmanuelle Lavignac, dirigeantes de l’Ugict-CGT, ont présenté les premiers enseignements de cette enquête.
Le dossier de presse remis aux journalistes revient sur 10 points saillants :
1 – Le « profil type » du télétravailleur est une télétravailleuse !
L’enquête révèle que le profil-type des salarié·es concerné·es par ce mode de travail est une femme jeune (30-39 ans). Elle travaille dans le privé, comme cadre ou comme ingénieure dans le secteur de l’informatique et des télécommunications ou de l’industrie. Elle travaille en présentiel en moyenne 3 jours par semaine.
2 – Un télétravail hybride plébiscité pour équilibrer vie professionnelle et vie personnelle
Aujourd’hui le télétravail est hybride, partagé entre présence dans les locaux de l’entreprise et domicile. En moyenne 2 jours par semaine sont travaillés en dehors des locaux.
3 – Échapper au « métro, boulot, dodo »
Pour les télétravailleur·ses, mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle, signifie concrètement économiser les temps qui sont à la marge du temps de travail effectif. Ces temps qui constituent l’amplitude du temps de travail, ne sont pas rémunérés comme tels, comme le temps de trajet, les temps de pause et les temps informels.
4 – Un gain de productivité et toujours pas de droit effectif à la déconnexion !
Les salarié·es tentent de reprendre le contrôle sur la gestion de leur temps par le télétravail. Les répondant·es sont 65 % à déclarer qu’ils et elles ont la possibilité d’adapter leurs horaires de travail au besoin de leur vie personnelle. Cependant le télétravail induit des difficultés à distinguer le temps consacré au travail du temps consacré à la vie de famille ou à la vie sociale. En effet, les répondant·es sont 40% à indiquer que leur employeur·se n’a pas défini de plage horaire sur laquelle ils et elles se doivent d’être joignables. 13 % ne savent pas si une telle plage horaire existe. Or donner plus de visibilité sur les temps de travail permet de mieux le cadrer et d’éviter « le travail au noir » (non rémunéré).
5 – Télétravail et forfait-jours : le cocktail explosif !
48 % des répondant·es sont au forfait-jour. L’enquête révèle que ces salarié·es ont un vécu particulier du télétravail, en lien avec les modalités d’organisation de leur travail induites par le forfait-jour.
6 – Un inadmissible report du coût du travail sur les télétravailleur.ses
Le télétravail coûte cher aux salarié·es, ou plus précisément permet aux employeurs de drastiques réductions de coûts. Une part importante de télétravailleur·ses dispose d’équipements ergonomiques de travail adaptés sans que ceux-ci n’aient été financés par leur employeur
7 – Les employeurs se défaussent de leur responsabilité en matière de protection de la santé
Les salarié·es ont recours au télétravail quand ils et elles sont malades pour pouvoir continuer à travailler, notamment en raison de l’existence de jours de carence.
8 – Réorganisation à marche forcée des espaces de travail
De nombreux accords télétravail font actuellement l’objet de renégociations dans les entreprises. Certains employeurs déclarent souhaiter le retour des salarié·es au bureau, notamment en limitant le nombre de jours de télétravail par semaine.
Cependant la réduction des capacités d’accueil sur site le rend impossible dans de nombreuses entreprises et administrations. L’accélération des réorganisations des espaces, que les employeurs ont engagée depuis 2020, entre en totale contradiction avec leur volonté de revoir les sites de travail remplis à 100 % de l’effectif.
9 – L’impensé du management à distance
Les manageur·ses retrouvent bien souvent démuni·es pour faire leur travail. Par ailleurs, ils et elles sont confronté·es aux détresses (isolement, burn-out…) que peuvent ressentir les salarié·es de leur équipe. Le travail à distance rend compliqué, voire impossible d’exercer correctement leurs responsabilités et de repérer les premiers signaux d’alarme de mal-être au travail.
10 – La complexité du syndicalisme à distance
Dans la majeure partie des entreprises et des services publics les directions ont refusé d’ouvrir en grand les accès numériques aux organisations syndicales et élu·es des salarié·es. Or les employeurs doivent permettre aux salarié·es d’être correctement représenté·es. De nouveaux droits obligatoires pour les représentant·es des salarié·es, doivent être octroyés par les employeurs. La loi « El Khomri » de 2016 a ouvert des pistes mais ne contraint pas les employeurs. Or, la crise sanitaire due à l’épidémie de Covid-19 et la dispersion forcée des salarié·es qui en a résulté ont fait apparaître le besoin de maintenir le lien entre les membres de la communauté de travail et leurs représentant·es. Ce besoin a vocation à devenir durable à l’heure où le travail à distance entre dans les moeurs et où les entreprises sont plus généralement engagées dans des processus de dématérialisation.
Conclusions
Pour transformer le télétravail, il est nécessaire de mieux connaître ses conditions de déploiement dans les entreprises et les services publics. Tel est le rôle de l’Observatoire du télétravail qui, avec cette première enquête nationale, permet de mettre la lumière sur le vécu des télétravailleur·s, mais aussi sur leurs besoins.